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De Gaulle cryptocommuniste ou visionnaire ?

Inutile de rappeler qu’après sa démission le 20 janvier 1946 du Gouvernement Provisoire de la République Française, De Gaulle, dans d’innombrables discours, s’était fait le « champion de l’association » donnant à l’Action ouvrière une place significative au sein du RPF.
 
« La solution humaine, française, … (c’est celle) de ceux qui mettraient en commun, à l’intérieur d’une même entreprise, soit leur travail, soit leur technique, soit leurs biens et qui en partageraient, en honnêtes actionnaires, les bénéfices et les risques » disait-il en 1947 à Strasbourg.
 
En 1949 il condamne « l’humiliante condition dans laquelle une organisation économique périmée tient la plupart des travailleurs ».
 
Il résume ainsi l’avènement de l’ultra capitalisme : « Un jour la machine a paru, le capital l’a épousée, le couple a pris possession du monde…dès lors beaucoup d’hommes et de femmes, surtout les ouvriers, sont tombés sous sa dépendance ».
 
Certes, à l’influence du catholicisme social de sa jeunesse, à la fréquentation des résistants de gauche qui l’avaient rejoint à Londres, au profond sentiment de justice qui l’habitait, s’ajoutaient sans doute quelques considérations plus politiciennes telles que battre le PC, si influent à l’époque, sur son propre terrain et se distinguer de la droite conservatrice.
 
Mais, « et tout est là », c’est surtout la nécessité de rassembler durablement les Français pour donner au Pays la cohésion qui lui manquait pour tenir son rang dans le monde qui inspira si profondément le Général.
 
Jusqu’en 1953, au sein du RPF, l’Action Ouvrière sous l’autorité de Louis Vallon allait fédérer un effectif de plus de 140.000 adhérents, venus du syndicalisme chrétien, de la SFIO, des Gaullistes de Gauche et même du PC.
 
Mais les oppositions ne manquèrent pas dès que le projet prît quelque consistance. Celle de Raymond Aron affirmant, péremptoire, que « la participation aux profits risquait tout à la fois de réduire les investissements et de décevoir les bénéficiaires », celle plus sournoise d’une large majorité de parlementaires gaullistes, l’ironie des socialistes et des communistes, l’incompréhension des syndicats, et bien sûr l’influence déterminante d’un patronat frileux qui voulait surtout, tel Tancrède, que tout change pour que rien ne change.
 
Mais dès son retour au pouvoir en 1958, le Général relança l’idée d’une réforme du statut des salariés et Louis Vallon et René Capitant, à la tête des « Gaullistes de gauche » reprirent le thème de la libération de la classe ouvrière, dénonçant les ultras du conservatisme social et du conservatisme colonial.
 
Dès lors, l’affrontement allait être inévitable ! En 1965, le patronat, dans une « Déclaration en 14 points » rappela que le progrès économique et social ne pouvait reposer que sur une doctrine libérale intransigeante : liberté des prix, libre concurrence, non intervention de l’État qui allait immanquablement conduire quelques années plus tard à une funeste mondialisation. Les actionnaires en particulier, comprirent très vite que tout partage de l’autofinancement qui avait été particulièrement important dans les années d’après-guerre, allait les priver d’une bonne partie de la valeur acquise spontanément par leur capital en raison de l’effervescence économique due à la reconstruction de la France.
 
Après les élections législatives de 68, le nouveau gouvernement dirigé par Georges Pompidou et son prédécesseur, Michel Debré, devenu Ministre des finances, se proposa de « dissuader le Général de cette mascarade… (afin de) … le protéger contre certaines de ses propres idées particulièrement hasardeuses » !
 
Faut-il rappeler que Georges Pompidou, fortement imprégné par ses années passées à la Banque Rothschild et puissamment « parrainé » par Ambroise Roux, le patron des patrons de l’époque, était farouchement opposé à toute modification de la répartition des pouvoirs au sein de l’entreprise ce qui fit dire à certains « C’est une manœuvre concertée conduite intelligemment mais sans scrupule moral qui a fait partir De Gaulle de l’Élysée ». Chaban, quelques années plus tard, avec son projet pourtant bien plus modeste de « Nouvelle société » fut combattu avec autant de détermination par les mêmes « modérés ».
 
Il allait découvrir à son tour que « faire une politique de gauche avec des méthodes de droite » ne pouvait convenir à un électorat conservateur incapable de voir autrement qu’à court terme !
 
Aujourd’hui ce vieil espoir de la Participation va-t-il renaître alors que la France surendettée n’arrive pas à conduire des réformes pourtant indispensables au pays, puisqu’il n’existe plus d’espoir de majorité à l’Assemblée Nationale ?
 
La social-démocratie du PS s’est réduite à un syndicat de sortants, NUPES, Dieu merci, va sombrer à son tour, mais l’Union des Droites du RN à l’UDI en passant par les LR et Reconquête semble encore bien incapable de se constituer.
 
Une école en plein désarroi, une politique de santé moribonde, une dette abyssale, une immigration incontrôlée, des émeutes inqualifiables dans les banlieues, une insécurité grandissante, un refus de l’autorité, une désindustrialisation catastrophique, un chômage endémique masqué par le prétendu statut des auto-entrepreneurs, une perte du consensus qui créée une Nation, une souveraineté mise en cause par des diktats qui se passent de l’accord de notre Parlement : 
 
Est-ce cela que nous voulons léguer à nos enfants ?

 

Pierre Chastanier, 12 juillet 2023

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