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Matérialisme ou Idéalisme ?

Je n’ai évidemment ni l’intention ni la réelle capacité d’entrer dans une vision spinoziste de la philosophie mais j’aimerais partager avec vous quelques réflexions revues à l’aune des connaissances biologiques actuelles sur la célèbre formule « Deus Sive Natura ».

Dans l’Ethique, son œuvre maîtresse, prudemment publiée après sa mort en 1677, Baruch Spinoza qui avait déjà subi à 23 ans la forme la plus sévère d’exclusion de la communauté juive d’Amsterdam, le Herem, se souvenant aussi du sort réservé par l’Inquisition en 1600 au moine Giordano Bruno, définissait ainsi cette formule sans doute empruntée à Maïmonide et dans une certaine mesure, reprise aussi par Descartes, de la manière suivante :

« L’être éternel et infini que nous appelons Dieu ou Nature agit comme il existe, en vertu de la même nécessité. […] Ainsi, la raison ou la cause par laquelle Dieu, c’est-à-dire la Nature, agit, et la raison ou la cause par laquelle il existe, sont une seule et même chose. »

Le Dieu immanent de cette formule fait un avec la Nature dans une conception moniste (opposée au dualisme cartésien) se composant aussi bien du corps que de l’esprit, ignorant toute personnalisation anthropomorphique d’une entité autre que la force même de la Nature (l’effort pour persévérer dans son être ou « conatus » de tout ce qui existe, animé ou inanimé) !   

On comprend évidemment que ce Dieu non personnifié, donc dépourvu de sentiment et ne jugeant pas l’homme, n’est rien d’autre que le monde réel ce qui vaudra à Spinoza des accusations de panthéisme voire d’athéisme.

Henri Atlan ira même jusqu’à dire : « Pour Spinoza, il n’y a pas de finalités dans la nature, il n’y a que des déterminismes produits par des causes efficientes ; la notion de causes finales dans la nature, c’est pour lui… la source de toutes les confusions possibles, non seulement du point de vue de la philosophie des sciences, mais aussi de l’éthique et des comportements humains »

Mais si Matière et Intellect sont une seule et même substance exprimée de deux manières différentes, il ne peut pas y avoir entre elles de relation de cause à effet. Le corps ne peut pas produire des idées, et les idées ne peuvent pas produire des mouvements du corps.

Certes, nous faisons tous les jours, en apparence, des expériences prouvant a priori le contraire mais la découverte récente de mécanismes et de modèles d’auto-organisation de la matière mettant en évidence des propriétés qualitativement différentes de celles des constituants pris individuellement (entre vivant et non-vivant, entre conscient et non conscient) confirme pourtant les propos résolument monistes de Spinoza.

Prenons un simple exemple :

Lorsque nous bougeons un bras nous pensons que notre cerveau vient de lui donner l’ordre de se mobiliser. Donc nous en avons conscience et cet ordre s’inscrit dans notre mémoire.

Or pour passer en mode conscient le cerveau a besoin de 300 millisecondes (preuve apportée par l’IRM). Il peut donc se souvenir qu’il vient de donner au bras l’ordre de bouger.

Mais en réalité cet ordre a été donné avant qu’il n’en prenne conscience, 300 millisecondes plus tôt, il provient donc d’une autre origine, une réaction réflexe de notre corps face à un stimulus donné matériel ou mental à ne pas confondre avec l’ordre mémorisé lui-même.

Donc soit un stimulus matériel inconscient a mobilisé notre cerveau, soit une pensée inconsciente l’a décidé et dans un cas comme dans l’autre, la suite nous donne à croire à tort que l’ordre de mobilisation qui en résulte vient de notre conscience !  

De la même façon qu’au niveau atomique les quatre forces fondamentales de la nature, force nucléaire forte, force nucléaire faible, force électromagnétique et gravité se conjuguent pour maintenir la cohésion de la matière, les groupements d’atomes qui vont constituer les molécules, puis les molécules qui vont constituer les macromolécules et les acides nucléiques, puis les cellules et les organes qui en découleront se soumettront à ce « conatus », chaque structure de la plus simple à la plus complexe s’efforçant de « persévérer dans son être » !

Prenons un autre exemple :

Face à une menace, chaque animal ou être humain a deux possibilités, l’attaque ou la fuite (le végétal ne pouvant pas fuir n’a lui que la possibilité de la défense). Il va choisir en fonction de la dangerosité de la menace et ce choix sera pour lui la meilleure manière d’essayer de « persévérer dans son être ».

Alors que Spinoza soutient que l’esprit et le corps sont une seule et même substance, 4 siècles plus tard à travers le prisme des neurosciences cognitives, se confirme sa conception du monisme physique, selon laquelle « tout dans l’univers est composé de matière, y compris l’esprit ».

Les neurosciences contemporaines ont mis en lumière la complexité du cerveau et les mécanismes qui sous-tendent la prise de décision, souvent à un niveau inconscient, ce qui soulève des questions sur l’étendue du libre arbitre humain.

Prenons un dernier exemple :

Nous comprenons aisément qu’un élément matériel tel que l’absorption d’un produit chimique, une nourriture, un médicament, peut avoir des effets sur la préservation de notre être.

Nous comprenons aussi qu’un élément mental tel que l’effet placebo peut agir de la même façon (même s’il n’est efficace que dans 30% des cas).

Pour vous mettre en colère je peux au choix vous injurier ou vous injecter de l’adrénaline !  

Et chez celui qui se laisse mourir ou se suicide la perte du goût de vivre l’empêche de chercher à « persévérer dans son être ».  

La pertinence de Spinoza dans le contexte des neurosciences cognitives modernes réside donc dans sa vision intuitive de certains concepts qui sont aujourd’hui étudiés scientifiquement.

Cela témoigne de l’avancée de notre compréhension tout en nous laissant ébahis devant la perspicacité de penseurs tels que lui, qui ont imaginé il y a bien longtemps des fondements conceptuels aujourd’hui d’actualité.

Pierre Chastanier, 8 Novembre 2023

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